Dans le débat sur la charte, j’ai entendu plusieurs niaiseries. Cependant, il y a un commentaire qui mérite que j’y dédie un peu de mon attention: celui du statut charitable des organisations religieuses. Afin d’être cohérent dans son ensemble, plusieurs individus ont proposé que la charte soit élargie pour enchâsser plus clairement la laïcité au Québec. Une des propositions est celle d’abolir le statut charitable des organisations religieuses. En gros: l’Église paierait des taxes.
J’admet que je trouve cette proposition problématique et nocive. Il y a deux raisons pour ceci.
Premièrement, je ne crois pas que l’État est nécessairement le meilleur véhicule de sociabilité et de communauté de l’être humain. En fait, plusieurs études démontrent que plus l’État est actif dans dans la vie sociale, plus il a tendance à créer un effet d’éviction sur l’engagement communautaire (cette étude est particulièrement intéressante tout comme celle-ci et celle-ci). La relation n’est cependant pas une relation de 1-pour-1 : un dollar de plus à l’État ne diminue pas la charité privée d’un dollar. À des faibles niveaux d’intervention (ou à des niveaux efficaces d’intervention), l’effet de la taille de l’État sur l’engagement communautaire, la charité et toutes les formes de capital social, est minime. Cependant, lorsqu’un certain point est passé, l’effet est exponentiel et plus destructif. Considérant que le Québec possède un des gouvernement les plus imposants au Canada, l’élimination du statut charitable des organisations religieuses détruirait une importante portion du capital social et de l’engagement social que l’on voit au Québec. Au final, cette proposition serait plus nocive pour la communauté que les bénéfices de la cohérence de la charte.
Deuxièmement, l’engagement social a tendance à forcer une réduction des dépenses gouvernementales. Dans un article du Quartely Journal of Political Science, Kenneth Scheve et David Stasavage démontrent que la solidarité sociale et l’engagement religieux sont des méthodes alternatives permettant à l’individu de s’adapter aux chocs adverses de la vie. Il en est ainsi parce que les Églises produisent un capital social important en permettant aux gens de faire parti d’un réseau d’information qui permet de rebondir rapidement. C’est pourquoi là ou les organisations religieuses sont fortes, la demande de services étatiques est plus faible. En rendant la vie plus difficile aux institutions qui produisent du capital social, on risque de créer une augmentation de la demande de services publics. Toujours considérant le niveau élevé de taxation et de dépenses du Québec, il est difficile de souhaiter une telle chose.
Normalement, je serai favorable à une telle mesure (considérant mon intérêt dans l’économique des religions). Cependant, ce préjugé favorable dépend largement de la taille et de l’importance du secteur public dans la vie sociale.