Dans les débats récents entourant le sommet sur l’éducation supérieure, l’économiste Pierre Fortin est venu sortir le gouvernement péquiste du bourbier dans lequel il s’était enfoncé de sa propre volition. Un des premiers efforts de M.Fortin fut de questionner l’ampleur du sous-financement des universités québécoises relativement aux universités canadiennes. Pour ce faire, il s’est servi d’un argument qu’il a employé maintes fois dans le passé : le coût de la vie plus faible au Québec fait qu’il en coûte moins cher aux universités du Québec d’opérer que leurs équivalents canadiens.
Il s’agit de la dernière version d’un argument souvent réitéré par M.Fortin. En utilisant le même raisonnement, il a pu affirmer que l’écart de niveau de vie entre le Québec et l’Ontario était virtuellement non existant; que le Québec a vécu un rattrapage économique rapide de 1960 à 1990 et; 99% des Québécois étaient plus riches que 99% des Américains ou des Ontariens. Trop souvent utilisé, cet argument est fallacieux et doit être démonté!
Les prix qui ne mesurent pas la même chose
S’il est vrai que le train de vie soit moins dispendieux au Québec qu’ailleurs au Canada, il faut aussi considérer que les impôts au Québec sont plus élevés! Au total, l’effort fiscal des Québécois est supérieur de 9.5% à celui des Ontariens.
Encore plus important, il faut considérer que ces impôts servent à subventionner des biens et services produits afin d’en faire baisser le prix. Ainsi les frais de scolarité universitaire, les frais de garde et les frais d’électricité sont nettement inférieur au Québec. Les frais de scolarité sont 2.6 fois plus élevés en Ontario, les garderies sont 20% à 30% plus dispendieuses (en incluant les garderies privées) et les frais d’électricité sont environ 100% plus élevés. Le prix de tous ces services est artificiellement réduit, ce qui contribue à baisser tout aussi artificiellement le coût de la vie au Québec puisque nos impôts sont conformément plus élevés!
Puisque le Québec est un récipiendaire net de transferts interprovinciaux et fédéraux, les autres Canadiens paient eux-aussi des impôts plus élevés pour financer ces réductions artificielles de prix. Sans ces transferts, ces derniers bénéficieraient d’impôts plus bas et nous devrions conformément hausser ceux du Québec.
Quand on décompose les postes de dépenses, seulement le logement est moins cher au Québec. Les vêtements, l’alimentation, les transports, les communications et les loisirs sont tous moins dispendieux en Ontario qu’au Québec.
En plus, cet argument maintes fois répétées mais qui vise à mieux tenir compte du niveau de vie ne fait qu’en ajuster en faveur du Québec. Que se passe-il si nous tenons compte des facteurs qui n’avantagent pas le Québec?
Que fait-on de la taille des familles?
Depuis plusieurs années, de nombreuses études ont cherché à tenir compte de l’effet du changement de la taille des ménages sur le revenu des individus. Lorsque plusieurs individus vivent sous un même toit et partagent les frais domestiques, des économies d’échelle peuvent être réalisées. Par exemple, il est moins onéreux (par personne) d’acheter du lait en grande quantité pour un ménage de quatre personnes que pour un ménage d’une seule personne. Ainsi, en effectuant une correction pour créer des « personnes-équivalents », on réalise que l’évolution économique du Québec est nettement plus décevante que ce que l’argument de M.Fortin laisse percevoir.
En prenant les données des recensements de Statistiques Canada, on remarque que la taille des ménages au Québec diminue beaucoup vite qu’en Ontario depuis 1961. Ceci nous laisse croire qu’en prenant le PIB par habitant, nous pouvons sous-estimer la performance du Québec quand les ménages sont en moyenne plus larges que ceux de l’Ontario et surestimer cette performances quand les ménages sont plus petits.
Lorsqu’on compile les données comme dans le tableau plus bas, on voit que le revenu par habitant indique un rattrapage du Québec entre 1961 et 2006 (années des recensements) alors que l’ajustement pour les changements dans la taille des ménages indiquent le contraire : une stagnation relativement au point de départ (1961).
Conclusion
Je suis bien d’accord avec M.Fortin, il faut mesurer adéquatement le niveau de vie des Québécois et tenir compte des structures différentes avec les autres provinces afin d’éviter une « fallacy of composition ». Cependant, si on se prête à cet exercice, il faut aller jusqu’au bout!
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