Depuis longtemps, plusieurs commentateurs (particulièrement à l’IRIS) nous rappellent que le Québec a été meilleur que les autres provinces canadiennes pour réduire les inégalités. Le tableau plus bas (le ratio du revenu ajusté des personnes selon leur centile de revenus) illustre bien le propos des tenants de cette position: le Québec a vécu une augmentation beaucoup moins importantes des inégalités de revenus.
Le revenu, sur lequel se base les mesures d’inégalité, a tendance à surestimer les inégalités réelles. Il en est ainsi parce que le revenu n’est pas nécessairement une mesure de l’utilité et du bien-être généré par l’acquisition de biens. En sus, le revenu est aussi très variable au cours d’une vie – contrairement à la consommation qui est beaucoup plus constante. Avec le vieillissement de la population, une proportion grandissante de la population vit d’un revenu qu’elle a épargné au cours de sa vie et n’a donc aucun revenu. Mais sa consommation reste relativement stable. À l’inverse, un étudiant aura un revenu très bas avec un niveau de consommation que ce faible revenu ne pourra pas éternellement financé. Ayant choisi d’emprunter pour consommer, il pourra financer l’acquisition d’une formation avec un rendement qui justifiera un revenu plus élevé dans l’avenir. Afin de véritablement mesurer les inégalités, il faut regarder les inégalités de consommation (et non pas de revenus).
En 1969, les Québécois faisant parti du 1% le plus riche de la population consommaient 7.49 fois plus que le 1% le plus pauvre. En Ontario, on parlait de 8.11 fois plus. Jusqu’en 2009, ce ratio a grimpé à 9.77 au Québec et 9.87 en Ontario. À ce point, on réalise que le portrait du “succès québécois” est nettement moins glorieux.
Qu’en est-il des inégalités entre la classe moyenne (la médiane) et le 90ème centile? En 1969, la consommation des Québécois de la classe moyenne était 1.66 fois plus basse que la consommation du 90ème centile contre 1.68 fois en Ontario. En 2009, ce ratio avait grimpé à 1.70 au Québec et 1.82 en Ontario. L’avantage du Québec est nettement moins important à cet égard, mais tout de même présent.
À l’égard du ratio de consommation entre le 90ème centile et le 10ème centile, le Québec performe toujours bien, mais beaucoup moins bien que les statistiques sur le revenu proposent.
Au final, on réalise que les inégalités ont augmenté nettement moins rapidement au Québec que les statistiques suggèrent. Encore plus important, les inégalités de consommation montrent que l’augmentation des inégalités a été nettement moins importante en Ontario que les statistiques ne suggèrent. L’image du Québec comme champion de l’égalité, même si véridique, est surfaite.
L’ennui, c’est que l’inégalité des revenus (sur le libre-marché, du moins) est un non-sujet. Est-ce qu’un concierge et un chirurgien cardiaque méritent le même salaire?
En effet, que ce soit pour un article ou un emploi, la valeur correspond toujours à la rareté. De tenter de changer cette loi naturelle est aussi futile que de tenter de faire croire que le fer vaut plus cher que l’or et c’est évidemment ridicule.