Le calcul farfelu et la réalité

Suite à mon plus récent texte sur le français dans le Huffington Post, un autre bloggeur a décidé de s’attaquer à mes calculs et c’est louable. Selon ce dernier, mes calculs sont erronées. Pour ce faire, il faut comparer les hypothèses et surtout, les justifications pour celles-ci.

Il faut comprendre que la catégorie “autres combinaisons” est suffisament large pour avoir un effet statistiquement significatif sur les affirmations de mon jeune collègue. En effet, mon hypothèse repose sur le fait que la catégorie “autres combinaisons” exprime les combinaisons trilingues (dans lesquelles le français est présent) à 80% pour la région Métropolitaine de Montréal seulement – c’est probablement plus élevé dans le reste de la province. Quant à exclure ceux qui cohabitent dans les deux langues, c’est une erreur puisque les francophones – surtout les plus jeunes sont très exogames et se marrient en dehors de leur groupes linguistiques. Ainsi, les langues se cotoîent souvent dans les ménages faisant signe d’exogamie. Pour illustrer, mon frère s’appelle Frédéric Giguère et a marrié une allemande qui parle principalement l’allemand avec ses enfants à la maison même si ma nièce et mon neveu parlent le français et vont à l’école en français. L’exemple personnel n’est pas le meilleur, mais il illustre bien comment l’exogamie et l’évolution du marriage et de la fécondité peut affecter notre interpretation des statistiques. Ainsi, exclure 50% des catégories comme Duchesne le fait nie une partie de la réalité. Ainsi, en tenant compte de ces statistiques, voici les résultats qui montrent qu’il est virtuellement impossible de parler d’un déclin du français. En fait, puisque le 80% s’applique à la région de Montréal seulement, il est très possible que ce taux soit plus élevé en région, une simple augmentation de 80% à 85% de ce seuil montre l’absence d’un déclin alors qu’à 80%, le changement est d’un ridicule 0.03%  – une vraie crise vous admettrez.

Mais soyons honnêtes avec Duchesne, une courtoisie qu’il faut toujours étendre à tous aux fins du débat: l’anglais progresse. Il a tout fait raison de remarquer que l’anglais progresse. Mais la question n’est pas là, la question vise à savoir si l’anglais évince le français et la réponse est non. Les francophones parlent un peu plus l’anglais et ca leur assure un revenu plus élevé. Les allophones eux, souvent des immigrants, ont des nets bénéfices à parler toutes les langues officielles puisqu’elles sont un substitut (et un complément parfois) à l’acquisition de formation professionelle, technique ou universitaire (une langue maîtrisée de plus équivaut au gain de revenu d’une année de scolarité de plus). Ainsi, on voit juste que le multilinguisme brouille les cartes mais que somme toute, le déclin du français est un figment de l’imagination de certains qui veulent conclure ce qu’ils ont toujours voulu conclure.

Il y a un problème additionnel: Statistiques Canada met en garde contre les comparaisons avec les précédents recensements sauf 2006. Alors regardons si j’ai tort en utilisant seulement les recensement de 1991 à 2006. Ainsi, on remarque que les plus récentes cohortes d’immigration adoptent massivement le français à la maison comme langue d’usage. On remarque aussi que le français au travail est utilisé de plus en plus fréquemment par les travailleurs immigrants.  Pour les anglophones aussi d’ailleurs. La connaissance du français a augmenté chez tous les groupes alors que celle de l’anglais a stagné chez les allophones depuis 1991 (p.29). Selon l’OQLF, la force d’attraction relative du français a augmenté depuis 1991 (p.43).

Donc si le français a progressé massivement depuis 1991 et qu’il y a au pire, un ralentissement des progrès, ca veut juste dire que le français a progressé et qu’il a rejoint un plateau. Il n’est pas en déclin. Le multilinguisme est une réalité dont tous les économistes sont au courant et qui affecte de manière importante la compréhension du capital humain (puisque la langue est un capital humain). En étant conscient de ceci, ils sont conscients du fait qu’une langue peut très bien coexister avec d’autres langues et être utilisé courramment surtout si celle-ci est la langue du groupe dominant.

Je m’excuse si ce texte est rempli de justifications méthodologiques, normalement j’essaie de simplifier le plus possible afin de favoriser l’interaction, mais des fois il faut rectifier des absurdités et de telles élaborations sont nécessaires.

CORRECTION: une coquille s’est introduite dans mon second tableau, les scénarios devraient être “(2+3+4+6)/1” et “(2+3+4+7)/1” et non pas “(1+2+3+6)/1” et “(1+2+3+7)/1”. Il s’agit d’une coquille d’écriture, mais les calculs sont valides.

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