La révolution tranquille et l’éducation: quel rôle pour l’État?

À attendre les récentes affirmations des fédérations étudiantes, on dirait que l’éducation au Québec a commencé seulement en 1960. En gros, à croire les leaders étudiants, on crorait qu’avant 1960, les Québécois étaient tous des illetrés.

Est-ce vraiment le cas? Non, il s’agit de discours politique hyperboliques pour mieux défendre leur cause. Mais il n y a jamais de fumée sans feu. Lorsqu’on parcourt la littérature académique au Québec sur l’éducation avant 1960, on parle souvent de la Grande Noirceur comme d’une période de déclin sur le plan de l’éducation et que c’est après 1960 que le Québec effectue son grand rattrapage. Malheureusement, une observation plus détaillée des résultats mène à un constant contraire. Il y a eu en effet une période de stagnation au plan de l’éducation avant 1945. Lorsqu’on regarde la proportion d’écoliers et élèves (“écoliers” dénotent ceux qui sont école primaire et “élèves” dénotent ceux qui vont à l’école secondaire) qui allaient véritablement à l’école (pas ceux qui étaient simplement inscrits sans jamais y aller), on remarque que le Québec devançait l’Ontario et la Colombie-Britannique en 1901. Toutefois, à partir de 1931, le Québec a perdu son avantage même si la proportion a augmenté (voir plus bas).

ImageQuand on prend la peine, comme je l’ai fait, de plonger les Annuaires Statistiques du Québec, les Canada Labour Gazette et les Canada Year Books, on peut monter des séries statistiques plus complètes qui ne sont pas disponibles en ligne et qui doivent donc être transcrites. Ces séries statistiques montrent que le Québec a effet stagné entre 1921 et 1945 et a peut-être même décliné légèrement. C’est à partir de 1945 que le Québec commence une lancée incroyable au niveau de la scolarisation de sa population qui continue avec la révolution tranquille. Vous remarquerez qu’en 1965 sur le graphique plus bas, il y a une brisure étrange. Je l’ai inclus dans la série statistique puisqu’il s’agit de la première année que l’instruction obligatoire était en vigueur, ce qui rend la série légèrement inutile après 1965 (la loi fut votée en 1964). Mais, voyez-vous une stagnation pendant la “Grande Noirceur”? Image

Et que se passe t’il relativement aux autres provinces – plus précisement l’Ontario. À cet égard, on confirme que le Québec perdait du terrain de manière plutôt prononcée avant 1945 et qu’après la guerre, il réussit lentement à rattraper l’Ontario.  Il s’agit là d’une mesure plutôt fiable que je présente puisque je prend ceux qui vont véritablement à l’école (un fait important puisque le Québec n’a pas de loi sur le travail des enfants avant 1943 alors que l’Ontario en adopte une bien plus tôt au 20ème siècle).

ImagePourquoi est-ce que je parle de l’éducation avant 1960 en lien avec la crise des frais de scolarité actuel? Parce que je veux lancer une discussion qui mérite d’être tenue: est-ce que l’éducation se portait si mal que ca avant que l’État mette son nez dans les affaires des écoles? Je ne pense pas que c’est le cas. En fait, si on regarde la population des universités francophones telles que rapportées dans les Annuaires Statistiques du Québec, on remarque que celles-ci ont une croissance supérieure à celle de la population générale et que celles-ci rattrapent lentement les universités anglophones du Québec aussi.

Les données à ce niveau sont plus difficiles à comparer et il me reste du travail à faire pour avoir des séries temporelles qui remontent jusqu’à 1920 environ, mais elles démontrent tous que les Québécois vivaient de vastes progrès au plan scolaire avant que l’État commence à se mêler activement de l’éducation dans les années 1960 (gel des frais de scolarité en 1968, loi sur l’instruction publique, création du ministère de l’éducation).

Je pense qu’il est temps de sortir du paradigme de discussion sur la manière dont on veut que l’État intervienne dans le monde de l’éducation. On devrait plutôt commencer à penser à quel niveau d’intervention qu’on croit désirable dans le monde de l’éducation. Pendant la période de 1945-60 alors que l’État était virtuellement absent du monde de l’éducation. La contribution financière de l’État était substantive, mais en proportion des montants totaux, elle se situait à des niveaux nettements inférieurs à ceux d’aujourd’hui. Quant aux réglementations, les universités étaient libres de charger le montant qu’elles désiraient, les écoles fixaient leur programmes assez librement et les écoles avaient une autonomie nettement plus grande.

Considérant le contexte plus laxe des années 1945-60 et les progrès observés, est-ce qu’on peut commencer une nouvelle discussion sur le rôle de l’État dans le monde de l’éducation. Personne ne propose de revenir au rôle actif de l’Église, mais sa présence à l’époque ne semblait si nocive aux progrès scolaires potentiels des Québécois. Conséquemment, il serait tout à fait pertinent de proposer d’autonomiser davantage les écoles, de réduire la place de l’État dans les universités et les collèges. Je lance la discussion en tant qu’économiste spécialisé en questions d’histoire économique et j’espère que mes interlocuteurs sauront être posés tout en guidant adéquatement ma réflexion.

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3 thoughts on “La révolution tranquille et l’éducation: quel rôle pour l’État?

  1. “Conséquemment, il serait tout à fait pertinent de proposer d’autonomiser davantage les écoles, de réduire la place de l’État dans les universités et les collèges.”

    Les grands esprits pensent pareil ;). En effet, il semble que personne ne se soit posé la question : est-ce que l’État doit intervenir dans l’éducation? Avec le modèle actuel, on favorise l’université au détriment de la formation professionnelle. On a plein de politicologue mais peu de plombiers, d’architectes, d’électriciens…

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