Depuis plusieurs semaines, je parle sans cesse de l’histoire économique du Québec avant 1960 pour voir comment le Québec évoluait pendant la Grande Noirceur. Il y a quelque chose que j’ai trouvé que je juge intéressant: la productivité agricole.
Normalement, lorsqu’une société s’industrialise, on voit un déclin du nombre de personnes et d’exploitations dans le milieu agricole. Par conséquent, on voit une réduction de la proportion de l’économie allant au secteur agricole. Le Québec, une société distincte, ne s’industrialise pas comme tout le monde. Alors qu’on voit l’émergence du secteur de la fabrication, celui-ci se développe moins vite et moins fortement qu’ailleurs au Canada. Qu’est-ce qui explique cela?
Il y a partie culturelle, mais j’y reviendrai dans un autre billet et il y a une partie liée aux politiques gouvernmentales. Peu importe les journaux qu’on regarde, l’industrialisation est vu avec un degré de méfiance. L’exhultation agricole demeure forte.
Lorsque la Dépression commence, le gouvernement du Québec se met à relancer les plans de colonisation des régions et les plans de retour à la terre. Il dépense aussi beaucoup pour créer des routes vers des régions éloignés. Finalement, des acteurs privés motivés par des raisons idéologiques cherchent aussi à encourager avec l’aide de l’Église, le retour à la terre. Par conséquent, plusieurs travailleurs et nombre de ressources rares sont déplacés vers des secteurs moins productifs de l’économie avec l’aide de subventions. Il est difficile d’en vouloir aux travailleurs d’avoir quitter la ville sous l’attrait des prêts et subventions pour la colonisation sous le leurre de posséder une terre productive. Toutefois, ces politiques ont probablement ralenti le développement du Québec jusqu’à la fin de la guerre.
Le graphique ci-joint illustre le nombre de fermes au Québec et en Ontario à chaque recensement entre 1901 et 1961. Comme on peut voir, avant 1931 le Québec évolue de pair avec l’Ontario. Mais pendant la Grande Dépression, l’augmentation importante du nombre de fermes (avec une augmentation moins qu’équivalente de la supercifie exploitée) cause une diminution de la productivité de chaque exploitation agricole. La taille moyenne des exploitations est un bon indicateur de productivité agricole puisque des terres plus grandes permet de rendre rentable des investissements dans des outils plus à la fine pointe de la technologie tout en permettant une diversification des récoltes pour réduire les risques liés aux variations dans les prix de chaque bien agricole. Voici donc comment la productivité a évolué ainsi qu’une autre mesure de la productivité.
Comme on peut voir, le Québec perd du terrain massivement pendant la Grande Dépression (notons que l’évolution similaire avant 1931 indique que le Québec ne rattrapait l’Ontario mais bien qu’elle évoluait en parrallèle) et ne commence son rattrapage qu’après 1945. Il suffit de regarder les salaires des ouvriers agricoles – qui suivent normalement très bien la tendance de la productivité agricole – pour remarquer que pendant les années des politiques de retour à la terre, le Québec a accru son écart avec l’Ontario.